Wolfberger met un coup de jeune dans les vins d’Alsace

« C’est compliqué d’être une femme œnologue », reconnaît Emilie Lejour. La jeune femme exerce pourtant la prestigieuse fonction de maître de chai au sein de la coopérative Wolfberger, ce qui serait « impossible ailleurs, comme en Bourgogne, par exemple », assure-t-elle. Alors qu’elle fête cette année ses 120 ans, la maison viticole alsacienne fait souffler un salutaire vent de modernité dans le milieu du vin. Née en 1902, à l’initiative de producteurs de vins et crémants, elle réunit plus de 300 domaines, dont la plupart sont aujourd’hui dirigés par les jeunes héritiers des fondateurs.

Digne représentant de cette « génération W », comme ils se surnomment eux-mêmes, Guillaume Gruneisen, 30 ans à peine, a ainsi repris l’exploitation familiale de Soultz et s’est donné pour mission de rajeunir sa clientèle. D’abord en rappelant un fait peu connu, et auquel les jeunes sont particulièrement sensibles : pionnière de l’agriculture raisonnée, la coopérative Wolfberger a fait ce choix il y a déjà quinze ans.

Et l’on perçoit d’ores et déjà les effets de ce respect du cycle végétal : depuis 2018, la firme réalise 40 % d’économie d’énergie par an. Deuxième levier, et non des moindres : le prix. Pour Wolfberger, pas question de faire peser le prix de l’écologie sur le consommateur. Surtout quand on cherche à conquérir la jeunesse. Avec des entrées de gamme de belle qualité qui ne dépassent pas les 10 €, la coopérative fait mouche. Et s’en félicite : « On veut ouvrir la dégustation à tous. Pas seulement au milieu un peu élitiste des experts du vin ! » assure ainsi Véronique Renck, chargée de communication de Wolfberger.

Et pour convaincre la jeune génération de se tourner vers une vieille maison plutôt que vers de nouvelles marques plus tendance, les nouveaux patrons de Wolfberger misent sur une arme redoutable : les réseaux sociaux. Sur Instagram, la coopérative a ainsi mis en place une série baptisée « Vino Dico », qui entend vulgariser le monde de l’œnologie. Une façon ludique et décalée d’initier les néophytes aux mystères du « dégorgement » ou de la « véraison » – tout en leur faisant découvrir les valeurs de la marque.

Enfin, la firme s’est récemment diversifiée pour coller aux nouvelles attentes de cette clientèle plus curieuse que ses aînés de goûter des saveurs inédites. Pour preuve, le beau succès des « Fleurs de bière », versions modernes du bon vieux Picon, dont on peut verser une rasade dans une bière classique pour l’agrémenter de notes de cerise, gingembre, mandarine ou fruits exotiques.

Et cette stratégie résolument tournée vers l’avenir s’avère payante car la coopérative affiche aujourd’hui un chiffre d’affaires de 51 millions d’euros pour une production annuelle de 9 millions de litres, entièrement réalisée en circuit court. Tout en court-circuitant les idées reçues sur le vin.